Retour sur la soirée de Tout le monde UX sur l’engagement
Par Pascale Morneau
22/11/2014
Le 13 novembre dernier, Tout le monde UX (TLMUX) tenait sa 18e soirée, à l’occasion de la Journée mondiale de l’utilisabilité. Cette année, 133 événements (enregistrés sur le site) ont été tenus pour cette occasion.
Pour cette soirée, TLMUX accueillait d’abord Antoine Azar, CEO de Mobilogie et CTO de Thirdshelf. Il nous a entretenus de sa vision du UX pour le futur, celle où l’émotion du client est reine et maitre. Éric Bourget, cofondateur de Insyders, s’est ensuite intéressé à l’engagement des collaborateurs dans les projets comme vecteur d’innovation.
Le futur du UX: quand les émotions rencontrent l’intelligence artificielle
Antoine Azar entame sa présentation en relatant la scène mythique de 2007 où s’est faite l’annonce du premier iPhone par Steve Jobs. Le premier réflexe d’Antoine fut de penser que ça changerait le monde. Il avait raison, mais cette technologie a fait encore plus: elle a complètement révolutionné la perception du UX et du UI et a sensibilisé l’industrie à leur importance. Le design est maintenant au cœur des préoccupations et c’est une tendance qui ne cesse d’augmenter.
Antoine pense tout de même que la place du design peut devenir plus importante. Le plus souvent, on fait appel à des designers pour concevoir des interfaces et les tester, mais nous pouvons faire plus.
Pour expliquer sa vision, Antoine raconte une anecdote prenant lieu alors que les premiers ascenseurs furent installés. Les utilisateurs se plaignaient de la lenteur des appareils. Les ingénieurs, quant à eux, disaient qu’ils ne pouvaient rien y faire. Un jour, un petit malin a réalisé que le problème était qu’en fait, les gens s’ennuyaient pendant qu’ils attendaient devant une porte close. Ils ont donc installé des miroirs pour distraire les utilisateurs. Cela fonctionne encore aujourd’hui, les selfies ayant particulièrement la cote.
La morale de cette histoire: le UX est une question d’émotion et de mindset.
Pour Antoine, les Tests A/B sont des reliques des vieilles communications et de l’imprimé, qui consistent à se baser sur de l’information inexacte, à implanter deux versions au lieu d’une, pour ensuite tenter de voir ce qui fonctionne. Toutes les startups s’en servent, alors que c’est insensé de ne pas tenter de mieux connaitre ce qui va fonctionner avant de réaliser le projet. Et surtout, comment peut-on être centré sur le client alors que l’on teste seulement avec une portion des utilisateurs et que l’on prend des décisions basées sur une moyenne?
Tous les outils dont nous disposons aujourd’hui sont conçus pour ouvrir un dialogue avec une masse d’utilisateurs. Thirdshelf est une plateforme conçue par Antoine et son équipe pour soutenir le cybercommerce, grâce à une meilleure connaissance des clients. Elle adopte une approche encore plus centrée sur le client, celle où l’on aurait une relation un à un avec lui, pour comprendre d’un point de vue individuel ce qui le motive.
Thirdshelf est aussi un exemple de loyauté. Pour l’instant, les systèmes de loyauté sont assez restreints et sont structurés de façon très classique, l’éternel «achetez-en neuf et obtenez-en un gratuit» par exemple. Bien souvent, les systèmes mis en place sont en fait des faux programmes de fidélisation et la confiance des utilisateurs s’érode.
Pour le futur du design, l’accès aux Big data aura de grandes conséquences. Selon Antoine, faire partie du domaine du UX c’est être en bonne position pour faire face à cette nouvelle situation. Il pense aussi que l’avenir du UX se trouve dans la psychologie de l’utilisateur. Cela signifie donc que le futur est prometteur pour le UX.
Antoine Azar — Photo: Alexandre Larrivé
Engager autour de nos idées
Dans sa conférence «Engager autour de nos idées», Eric Bourget s’est quant à lui questionné à propos des stratégies qu’il a adoptées au fil des ans pour engager les gens envers ses idées. Au début de sa carrière, il travaillait dans le domaine du jeu vidéo. Il faisait donc affaire avec de petites entreprises et c’était facile de faire avancer les projets. Ensuite, il s’est mis à travailler avec des compagnies de plus en plus grandes et il a réalisé que c’était de plus en plus difficile d’être efficace. Eric laisse même tomber: «J’étais complètement inutile, ma vie ne voulait rien dire».
Le problème n’est pas de trouver des idées géniales, c’est de faire en sorte qu’elles aboutissent. Il a maintes fois observé ces situations où des idées génèrent un projet qui commencera, mais qui finira par être remisé sur les tablettes. Un jour, on le dépoussière et on refait un remue-méninge. Cependant, les idées finalement retenues sont souvent ennuyantes, conservatrices et peu risquées.
Dans ce contexte, comment peut-on devenir des machines d’innovation? Eric a trouvé quatre astuces et nous les partage.
1- Comprendre la complexité
Pour prendre une décision ou entreprendre une action, la complexité de la situation est un facteur important dont on doit tenir compte. Souvent, dans une situation chaotique ou même, désastreuse, on doit agir très vite. Parfois, on dispose de plus de temps, mais on a du mal à faire accepter notre idée géniale. La nature des obstacles varie selon la complexité de la situation. Le modèle Cynefin de Dave Snowden est utile pour nous aider à l’évaluer.
2- Apprivoiser la bureaucratie
Dans certains organismes, la prévisibilité a beaucoup plus de valeur que la prise de risque. Parfois, ces organisations créent un espace laboratoire, mais il est décentralisé et plutôt impuissant. Eric nous donne donc ce conseil: «Ne demandez la permission qu’en DERNIER recours».
Dans une organisation, le patron possède le pouvoir structurel et les employés, le pouvoir conjoncturel. On doit absolument savoir quels sont nos réels atouts sinon, «t’es fait». L’image de Benfari ci-dessous, montre des exemples des atouts associés à chacun des deux types de pouvoirs.
Une des meilleures stratégies face à la bureaucratie selon Eric, c’est d’être «ridiculement prêt». On doit être bien préparés quand on présente nos projets et montrer notre proactivité.
3- Devenez une startup
Eric suggère de devenir une startup, dans le sens de devenir une équipe de projet soudée, qui agit comme si elle avait sa propre entreprise. L’aspect narratif dans cette perspective peut changer l’attitude des gens. En adaptant notre langage en fonction de nos interlocuteurs et en faisant des liens avec eux et leur profession, on peut leur donner un sentiment d’appartenance. Au final, si cela fonctionne, l’équipe peut se permettre plus de courage, de créativité et de liberté.
Pour nous aider à comprendre ce phénomène, Eric suggère la lecture de How We Decide.
4- Devenez des designers
Selon Eric, tout le monde est capable d’être designer. Ils ne seraient peut-être pas tous bons, mais ils pourraient certainement participer au processus. Cela permet d’engager davantage les gens dans les idées. Trois employés sur quatre se sentent désengagés face à leur entreprise, c’est déprimant! Transformer les gens en artisans qui sont capables de créer des choses peut donner un nouveau souffle à une compagnie.
Un défi qui demeure difficile à surmonter: développer une empathie pour les utilisateurs. Eric et son équipe travaillent sur une application pour améliorer cet aspect. Elle permettra de mieux saisir les difficultés et les attentes des utilisateurs et d’avoir ainsi un meilleur portrait d’eux.
Eric nous laisse sur une vive suggestion: lire le bouquin Lean Startup, qui a carrément «changé sa vie».