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Les rôles du designer UX, article 1 – Les cinq grands rôles

Par Pascale Morneau

31/10/2013

Les rôles du designer UX, article 1

Résumé

Le design d’expérience utilisateur (UX) est une discipline qui évolue rapidement. En tant que designer UX, j’explique presque chaque jour ce que je peux faire pour les organisations. C’est très bien ainsi, car il y a de l’intérêt. Puisque c’est un sujet important en ce moment, j’ai décidé de poster une série de billets sur les rôles que peuvent jouer les designers UX. Aujourd’hui, je cite ceux qui sont les plus déterminants et avec lesquels l’ensemble de la communauté semble d’accord. Il y en a cinq:

  • 1 Le rassembleur
  • 2 L’expert du squelette
  • 3 Le stratège naturel
  • 4 Le planificateur avisé
  • 5 Le conseiller

La grande question : qu’est-ce que le design UX?

J’aimerais, dans un premier temps, faire une confession au nom de tous mes collègues designers UX. Comme notre domaine d’expertise est très jeune et surtout, parce qu’il évolue extrêmement rapidement, il est mal connu. Pour les mêmes raisons, il est encore mal défini et il se fait traiter chaque jour de «buzz word». Nous sommes donc dans de beaux draps: non seulement nous avons besoin d’expliquer ce que c’est, mais nous n’avons pas de définition claire. 

Nous avons alors sans cesse besoin d’avoir notre propre interprétation, voire notre définition pour expliquer ce que nous faisons. C’est un processus utile que de se définir. En tant que travailleuse autonome, je dois présenter mon offre de service et expliquer aux organisations à quoi je sers! Voici donc sans plus tarder ma définition de l’expérience utilisateur:

L’expérience utilisateur (UX), c’est une intelligente combinaison d’analyse d’affaires, d’architecture d’information, d’ergonomie et de design. C’est une discipline à la fois très précise et globale où la sensibilité accrue aux détails et le respect d’une perspective d’ensemble visent à rendre une interface, un service ou un produit utile et pertinent aux yeux des utilisateurs.

Pour appuyer mes propos, je vous propose aujourd’hui d’aller plus en profondeur dans la compréhension des rôles du designer. Cet article est d’ailleurs le premier d’une série que je vais poursuivre en adressant spécifiquement des aspects qui sont particulièrement déterminants. Voici donc les cinq principaux rôles.

1 Le rassembleur

Le design UX a fait son apparition au moment où l’on réalisait que l’on avait besoin d’un alliage entre les concepteurs. Que l’on parle d’architecture d’information (AI), d’analyse d’affaires, de stratégie, de marketing, de design Web, de programmation et de tout autre expertise, l’objectif final est de créer une expérience pour l’utilisateur. Le design UX doit tenir compte de toutes ces disciplines pour être hautement pertinent.

Au début des années 2000 par exemple, on engageait un professionnel des sciences sociales pour étudier et comprendre l’utilisateur. Le designer graphique était souvent responsable de traduire l’expérience par la suite et souvent, l’anthropologue ne revenait pas pour les tests utilisateurs. Aujourd’hui, les experts se sont multipliés et le designer UX se positionne comme un pivot central qui maintient cette vision centrée sur l’utilisateur tout au long du projet.

En effet, nous savons maintenant qu’il faut placer l’utilisateur au centre des préoccupations de tous les collaborateurs pour aller plus loin en conception, mais aussi pour atteindre efficacement les objectifs dans nos projets. Le designer UX sert le maintien de cette perspective unifiée de l’utilisateur, pour tous les champs d’intervention d’un projet.

Le designer UX a également le devoir de s’assurer de l’implication de tous les acteurs dans le processus et de saisir les opportunités en lien avec leur travail. Son travail devient rapidement un support de discussion naturel, grâce à différents outils de conception. Qu’il soit question des aspects en lien avec la structure informationnelle, l’identification des besoins et objectifs, les initiatives de positionnement en marketing et en publicité, l’image graphique de l’entreprise, les choix technologiques à faire ou l’intégration de divers médias, le designer UX doit en tenir compte. Il est donc très naturel que les acteurs de ces champs d’interventions soient stimulés devant la fusion de leurs travaux.

2 L’expert du squelette

Le squelette d’un projet, c’est cette mission que nous nous donnons avec le projet. C’est aussi l’ensemble du matériel qui articule cette mission. Dans l’élaboration du squelette, le design UX et l’AI sont très dépendants l’un de l’autre. Pour comprendre leur relation étroite, il faut d’abord comprendre ce qu’est l’AI et voir comment les deux disciplines interagissent ensemble:

L’élément qui est le plus déterminant dans un projet, c’est le contenu. Le contenu c’est la base. C’est la raison de la visite des utilisateurs. C’est aussi la raison pour laquelle on décide de communiquer. C’est donc nécessairement l’objet qui permet de se poser les premières questions avant de se lancer dans la conception de quoi que ce soit. Mais par «contenu», on entend quoi exactement? Dans le contexte du design UX, c’est tout ce que l’utilisateur veut obtenir avec notre produit, notre service ou notre interface. Ce sont des informations, des outils, des images, des relations et des interactions de toutes sortes. On est bien loin de parler juste de textes. C’est là que l’AI prend tout son sens. Elle nous permet de nous poser d’abord les bonnes questions. Qui est notre utilisateur? Quel est son profil et pourquoi s’intéresse-t-il à notre contenu? En sachant cela, qu’est-ce qu’on lui offre? À ce stade, nous avons déjà des idées et des pistes sur notre réponse au besoin des utilisateurs, mais nous ne sommes qu’à l’étape de rassembler des contenus. Il faut aussi aller en amont des contenus et se questionner sur l’expérience générale. Communiquer avec les utilisateurs est un autre excellent point de départ avant de retourner à nos contenus. Vous me voyez venir : il faut comprendre d’une part les contenus, et d’autre part, les utilisateurs, pour pouvoir les lier.

Le UX a besoin de l’AI et vice versa. Ils doivent s’appuyer sur les mêmes bases d’analyse et s’influencer entre elles pour performer. Les deux disciplines sont donc indissociables, qu’elles soient assumées par une, deux ou quinze personnes. C’est pour cela que le designer UX est souvent aussi un architecte d’information. D’ailleurs, on entend de plus en plus (du côté anglais surtout) le titre «UX architect».

3 Le stratège naturel

Aujourd’hui, les possibilités sont infinies pour informer, vendre, prendre position, partager, collaborer, diffuser, s’exprimer, etc. Pour s’y retrouver, il faut (encore une fois) comprendre les utilisateurs et leurs comportements ainsi que nos ressources. Comme le designer UX est garant d’une perspective d’ensemble, mais aussi du fin détail d’un projet, son travail est un incubateur naturel pour les stratégies.

4 Le planificateur avisé

À cause de ses rôles tout au long du processus, le designer UX est un allié dans la planification des étapes d’un projet. Il a avantage à être présent dès le début des discussions. À cet égard, je vais laisser un exemple concret que j’ai vécu parler pour moi:

Je me suis fait confier un projet important pour les hauts dirigeants d’une grande organisation. Tellement important, qu’ils ont eux-mêmes travaillé et mis la main à la pâte pour le faire avancer. Ils ont d’abord eu un excellent réflexe: créer un comité pour tenter de répondre aux besoins de l’ensemble de l’organisation. Ils ont tous ensemble assisté à de nombreuses réunions pour discuter de leurs objectifs et préoccupations. J’admire cette implication et cet effort pour réfléchir à des enjeux concrets. Le seul problème, c’est que l’on ne s’est pas réellement posé de questions sur les besoins réels des utilisateurs, ainsi que sur leurs provenances et habitudes. S’il y avait eu un expert en expérience utilisateur pour participer aux discussions, ces préoccupations auraient dès le départ été considérées dans le projet.

Dans un autre ordre d’idées, on avait aussi divisé le mandat en différentes phases, pour des raisons pratiques et budgétaires tout à fait légitimes. En effet, le mandat final consistant à créer une expérience multiplateforme, le projet a été découpé afin de travailler sur un support du service à la fois. Même si la découpe en phases est souhaitée pour des questions de budget et de faisabilité, l’importance de se pencher également sur une expérience globale pour l’utilisateur n’est pas à négliger dans ce type de projet. Si nous l’avions fait, je pense que l’organisation aurait pu innover presque facilement avec ce projet. D’un point de vue pratique, il est aussi plus facile d’éviter d’avoir des pièces manquantes pour connecter convenablement les canaux de communication, à la fin du projet.

Même si la découpe d’un grand projet en phases est nécessaire, il faut tout de même faire travailler les experts de divers domaines ensemble à certains moments clés. C’est essentiel si l’on veut tirer le maximum de l’investissement. Le designer UX peut grandement contribuer à la planification des étapes de conception, si on fait appel à lui dès le départ.

5 Le conseiller

Comme le designer UX s’implique préférablement à tous les stades et avec tout le monde, il exerce souvent un rôle de conseiller. Il possède donc les qualités spécifiques à l’accompagnement client : la capacité d’intervenir en fonction des objectifs du client, le sens des affaires, la facilité à collaborer et un caractère méthodique. Et le plus important: lorsqu’il exerce un rôle-conseil, il accompagne les gestionnaires du projet dans leurs décisions, mais ne leur dit pas quoi faire.

Je parle beaucoup des bonnes pratiques dans cet article et de la meilleure façon d’utiliser le designer UX. Mais en tant que consultante, je ne me trouve pas toujours (et même pas souvent) dans une situation parfaite. Comprendre pourquoi le contexte n’est pas idéal et pouvoir en parler de façon constructive est une chose. Composer avec la situation pour tirer le maximum de son travail en est une autre. Exercer le rôle-conseil est une solution, puisque cela permet d’aborder les mandats d’un point de vue externe et plus neutre.

Il faut aussi faire preuve d’indulgence et comprendre que tout le monde ne connait pas notre domaine sur le bout des doigts. De notre point de vue, tout cela est évident, mais pour les clients et collaborateurs, ce n’est pas le cas. Par exemple, quand nous travaillons avec les gens de contenus, nous devons être extrêmement crédibles et comprendre où se situe notre intervention, car nous ne sommes pas les responsables des contenus. Ceux-ci ont besoin de comprendre ce que nous faisons pour collaborer avec nous.

Unis dans le projet

De façon générale dans les rôles qu’exerce le designer UX, ce qui est le plus important (en plus de son expertise, bien sûr), c’est la communication et la collaboration.

Pour les deux prochains articles de cette série, je désire d’ailleurs aller plus loin dans l’explication du rôle que je trouve le plus déterminant, celui d’expert du squelette. Il s’agira bien sûr d’architecture d’information, mais aussi d’analyse d’affaires, de design et stratégie UX.

Pour en savoir plus

BUFORD, S. (2011). «Web Information Architecture : A Very Inclusive Practice», Journal of Information Architecture, 1(3), p. 19-40.

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KARANDIKAR, S. (2013). «Is User Experience Design the next big thing?», UXDesignLog.

PAGAN, B. (2013). «Four Myths About UX and How to Bust Them», UX MAgazine, Article 1119.

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WODTKE, C. et GOVELLA, A. (2009). Information Architecture : Blueprints for the Web, 2e édition, Berkeley, New Riders, 348 p.